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L'année de la pomme de terre, c'est du sérieux!

Selon l'ONU, la pomme de terre sera un élément important pour la sécurité alimentaire des générations présentes et futures, d'où l'idée de lui consacrer l'année 2008.
Selon l'ONU, la pomme de terre sera un élément important pour la sécurité alimentaire des générations présentes et futures, d'où l'idée de lui consacrer l'année 2008.
Photo : Michel Caron

6 mars 2008

L'Organisation des nations unies (ONU) a déclaré 2008 Année internationale de la pomme de terre. Selon l'organisme, le turbercule à l'apparence ingrate pourrait jouer un rôle clé face aux problèmes mondiaux de malnutrition et de pauvreté. La patate mérite-t-elle un pareil honneur? Le journal UdeS s'est servi du prétexte pour discuter pomme de terre avec des spécialistes de l'Université oeuvrant en histoire, en biologie et en nutrition.

Sur le site dédié à l'Année de la pomme de terre, on peut lire qu'au cours des 20 prochaines années, la population mondiale devrait croître de plus de 100 millions d'habitants par an. La majeure partie de ces habitants vivra dans les pays en développement, où la pression sur la terre et l'eau est déjà très forte. Le défi de la communauté internationale consiste, par conséquent, à garantir la sécurité alimentaire des générations présentes et futures, tout en protégeant la base de ressources naturelles dont nous dépendons. La pomme de terre sera un élément important des efforts déployés pour relever ces défis.

Christine Hudon
Christine Hudon

Directrice du Département d'histoire, Christine Hudon rigole lorsqu'on lui sollicite une entrevue à propos de la patate. «Mais quand on y pense, c'est un aliment qui a été au centre de nombreux échanges culturels», observe-t-elle. Elle nous rappelle alors les origines de la pomme de terre, un aliment qui vient des confins du Pérou et de la Bolivie. Les premiers conquistadors la découvrent et la ramènent en Europe pour la cultiver. «Au début en Europe, elle était davantage cultivée pour ses fleurs, souligne la professeure. Au début du 17e siècle, on la mange assez peu.»

Les Anglais finissent par l'adopter au 18e siècle, puis ensuite, les Allemands. «On la mangeait beaucoup dans les milieux ouvriers pour son apport important en calories», indique Christine Hudon. En France, c'est l'apothicaire Parmentier qui réussit à la propager par l'entremise de ses travaux. Auparavant, elle attisait les rumeurs; on croyait que sa culture faisait mourir le blé et qu'elle propageait la lèpre!

Au Québec, on trouvait donc assez peu de pommes de terre sous le Régime français. Les champs étaient alors surtout occupés par la culture de blé. Puis peu à peu, la patate fera sa place, car elle se cultive facilement, coûte peu et offre un bon apport en féculent. Elle jouait d'ailleurs un rôle clé dans l'alimentation des bûcherons qui travaillaient aux chantiers.

La grande famine

Carole Beaulieu
Carole Beaulieu

Malgré ses bienfaits, la pomme de terre a été au cœur de la grande famine en Irlande (1845-47). L'aliment de base des Irlandais fut rongé aux champs par un champignon : le mildiou. «Le pays est alors passé de huit à six millions d'habitants, certains parce qu'ils sont morts, d'autres parce qu'ils ont choisi de partir. La pomme de terre a été au centre de cette tragédie», observe Christine Hudon.

Professeure au Département de biologie, Carole Beaulieu s'intéresse justement aux agents pathogènes de la pomme de terre. Elle travaille surtout sur deux maladies : la gale commune et la pourriture molle, une maladie qui se développe en entrepôt. D'un point de vue pratique, ses recherches visent à trouver des moyens de lutte biologiques et à réduire le taux d'infection des cultures.

La chercheuse mentionne que la gale commune affecte 80 % des champs de pommes de terre au Québec. «Ça cause des pertes incroyables», observe-t-elle. Une étude de Hill et Lazarovits (2005) estimait d'ailleurs les pertes attribuables à la gale commune entre 15,3 et 17,3 M$ pour l'année 2002 au Canada. En ce qui concerne la pourriture molle, Carole Beaulieu et son équipe ont trouvé deux solutions pour la combattre : un agent de lutte à ajouter dans l'eau de lavage et l'autre, dans une poudre. «Ce sont des agents pour lesquels nous allons demander des brevets», souligne la professeure.

Souhaitant travailler sur une culture importante, Carole Beaulieu a choisi de consacrer ses recherches à la pomme de terre il y a 18 ans. Elle partage présentement son laboratoire avec une étudiante à la maîtrise, trois doctorants et un chercheur postdoctoral, qui s'intéressent aussi à ce sujet.

C'est bon des patates!

Diane Chagnon
Diane Chagnon

Diane Chagnon, diététiste-nutritionniste aux Services à la vie étudiante, acquiesce à l'idée que la pomme de terre soit un aliment intéressant pour nourrir la population mondiale. «Comme elle est riche, la pomme de terre donne de l'énergie», dit-elle. Pourtant, la nutritionniste n'est pas une fervente admiratrice de la patate. Comme accompagnement, elle lui préfère les grains céréaliers complets comme l'orge mondé, le riz brun, le millet, le quinoa, les pâtes alimentaires de blé entier, le pain aux grains entiers, le sarrazin… «Ils ont une valeur nutritive supérieure. La pomme de terre peut faire partie de notre assiette, mais il faut avoir d'autres grains entiers et d'autres légumes.»

Ce que Diane Chagnon reproche à la pomme de terre, c'est de faire augmenter rapidement la glycémie. «Dans le temps, les gens mangeaient tout le temps des pommes de terre parce que c'était rentable à cultiver, ça donnait de l'énergie et ça répondait aux besoins en vitamine C. Le petit peu de vitamine C que contient la pomme de terre comblait les besoins puisqu'on en mangeait constamment!» Sa recommandation : un repas par semaine ou par deux semaines avec des pommes de terre. «C'est vrai qu'elle ne coûte pas cher, mais elle ne devrait pas occuper plus du quart de l'assiette», ajoute-t-elle. Entre la pomme de terre bouillie et celle cuite au four, elle préconise la seconde option puisque la pelure contient des fibres.

Et des frites, peut-on en manger sans culpabilité? «Des frites? Pour moi, ce n'est même plus une patate!, lance Diane Chagnon. Des frites et des chips, c'est dénaturé! C'est très dense au point de vue calorique, il y a beaucoup de gras et pas de fibres. Ça ne soutient pas.» La diététiste-nutritionniste classe les frites et les chips dans les aliments exceptionnels, c'est-à-dire ceux qu'on ne doit manger que rarement. «Il faut qu'on se réveille. Ce qu'on mange a un impact flagrant sur notre santé.» Et sur la santé de la planète!

L'ami de tous les enfants

Ami des enfants depuis 1952, Monsieur Patate devient même un précieux allié pour les aider à cheminer et à surmonter des problématiques physiques. Le Centre de réadaptation Estrie en possède plusieurs modèles, qui servent à travailler la motricité fine, les activités bilatérales, c'est-à-dire, faites à deux mains, et la représentation du bonhomme. «Il est utile dans les cas d'handicaps moteurs et de coordination oculomanuelle», observe Marianne Cabana, ergothérapeute au Centre de réadaptation Estrie et adjointe pédagogique pour le programme d'ergothérapie de l'UdeS. Les possibilités qu'il offre sont multiples. On peut y insérer des pièces dans des trous, les retirer, les cacher dans un sac pour que l'enfant arrive à les reconnaître au toucher... «C'est quelque chose que les enfants aiment faire. Les pièces sont colorées, c'est quelque chose d'attirant.» Mais Marianne Cabana ne voudrait pas donner tout le crédit à Monsieur et Madame Patate. «C'est un bon outil parmi d'autres, spécifie-t-elle. Souvent, on va varier les jeux pour travailler au même objectif.»

Lien contextuel

Année de la pomme de terre